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Plainte à la CE contre l’augmentation du plafond de l’AReNH

Les syndicats de l’énergie et les représentants des salariés actionnaires décident de déposer plainte devant la Commission européenne pour contester l’augmentation du plafond de l’AReNH à 150 TWh et les annonces de mise en œuvre de cette disposition à hauteur de 120 TWh

Par la loi Énergie Climat du 8 novembre 2019, le Parlement a décidé de permettre au Gouvernement d’augmenter le plafond de l’AReNH (Accès Régulé à l’électricité Nucléaire Historique) de 100 à 150 TWh. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne comme l’exigent l’article 108 du TFUE (Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne) et la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012 fixant ce plafond à 100 TWh. Pourtant, il est de jurisprudence constante que tout projet de modification substantielle d’un régime d’aides doit faire l’objet d’une notification avant l’entrée en vigueur de la loi qui porte cette modification. Il s’agit donc d’une aide d’État illégale.

Le 13 janvier 2022, le Gouvernement a, en application de ce texte législatif, décidé la mise en œuvre au 1er avril de ce nouveau régime d’aides illégal en annonçant que des actes réglementaires d’application allaient être pris pour augmenter le plafond de l’AReNH de 20 TWh. A ce jour, ces textes ne sont pas publiés.

L’augmentation en cours d’année du plafond de l’AReNH au bénéfice des fournisseurs dits alternatifs (mais « présentée » comme destinée à l’ensemble de tous les consommateurs, y compris industriels) serait financée intégralement par des ressources d’État, en l’espèce les ressources de l’entreprise publique EDF majoritairement détenue par l’État.

Ce faisant, et alors même qu’elle préside actuellement l’Union européenne, la France s’enferrerait dans la violation des dispositions des traités, mais également de la directive de 2019 sur les marchés de l’électricité et des lignes directrices de la Commission sur les aides liées à l’envolée du prix de l’électricité.

En effet, il ressort des diverses communications de la Commission sur le sujet ainsi que des lignes directrices révisées relatives aux aides d’État en faveur du climat, de la protection de l’environnement et de l’énergie (CEEAG)[1], que les mesures privilégiées par la Commission sont la réduction des taxes sur l’énergie et l’octroi non-discriminatoire de subventions ciblées aux entreprises qui souffrent le plus de la concurrence internationale.

Cela est confirmé par la dernière communication de la Commission en date du 8 mars 2022 intitulée « Action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable ». Conformément à la directive de 2019, la communication rappelle que les mesures de soutien pour fixer les prix de détail de l’électricité doivent concerner exclusivement les consommateurs domestiques et les micro-entreprises.

Or, l’augmentation en cours d’année du plafond de l’AReNH ne répond absolument pas à ces critères puisqu’elle est présentée par le gouvernement français comme devant bénéficier à tous les consommateurs, y compris l’ensemble des entreprises.

Aussi, le Gouvernement ne peut, au regard du droit communautaire, annoncer que cette augmentation du plafond garantirait un blocage des prix facturés aux entreprises à 4 % alors qu’elles ne sont pas couvertes par un tarif réglementé, ce d’autant plus qu’aucune disposition dans les projets gouvernementaux n’impose aux fournisseurs alternatifs de répercuter l’augmentation du plafond de l’AReNH sur l’ensemble des bénéficiaires potentiels et qu’aucune sanction effective n’est prévue en cas de non-respect de ces règles.

Mais à supposer que toutes les aides soient effectivement répercutées sur les entreprises, elles concerneraient alors l’intégralité de ces dernières, y compris celles qui n’en n’ont pas besoin. Cela représenterait des aides indues susceptibles de fausser la concurrence y compris intra-communautaire.

Cette situation n’est pas acceptable, ni pour les salariés et actionnaires salariés d’EDF que nous représentons puisque l’entreprise serait ponctionnée de plusieurs milliards d’euros, ni pour la France dont le Président devrait se comporter de manière exemplaire s’agissant de la conformité de son action au droit de l’Union européenne.

Cette mesure risque d’ailleurs d’être un cadeau empoisonné pour les fournisseurs alternatifs et leurs clients si la Commission européenne considérait ces aides, après un examen que nous appelons de nos vœux, incompatibles avec le marché commun. En effet, ces opérateurs économiques seraient alors dans l’obligation de rembourser les subventions perçues.

Pour autant, les syndicats et les actionnaires salariés sont évidemment conscients des difficultés auxquelles se heurtent les ménages et les entreprises face à la flambée des prix. C’est pourquoi ils demandent une baisse de la TVA sur l’électricité, bien de première nécessité, ainsi que des aides ciblées aux industries dont les électro-intensives qui souffrent le plus de la situation. C’est vers ces solutions, totalement conformes au droit de l’Union européenne, qu’ils invitent le Gouvernement à s’orienter.

Ainsi, nous appelons, par le biais d’une plainte qui sera déposée dans les prochains jours, la Commission européenne à :

  • ouvrir une procédure d’examen formelle à l’encontre du gouvernement français sur le régime d’aides illégalement mise en place et potentiellement incompatible avec le marché commun que constitue le nouvel AReNH à 150 TWh, ceci étant conforté par les annonces gouvernementales de mettre en œuvre cette disposition à hauteur de 120 TWh,
  • demander immédiatement à la France, comme l’autorisent les règlements européens, de suspendre ce régime d’aides jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur sa conformité avec le droit des aides d’État,
  • dans l’hypothèse où le Gouvernement persisterait dans sa volonté de mettre en place l’augmentation du plafond de l’AReNH, intervenir devant les juridictions françaises en soutien de la demande des syndicats et des actionnaires salariés, de suspension des actes réglementaires d’application du mécanisme, comme le permettent ces dernières lignes directrices sur l’application du droit des aides d’État par les juges nationaux.
  • ouvrir une procédure en manquement contre la France pour violation de l’article 5 de la Directive 2019/944 du 5 juin 2019 qui encadre les interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d’électricité aux clients résidentiels et aux microentreprises.

Enfin, contrairement à ce qu’a laissé entendre le Gouvernement à certains journalistes, les recours contre l’augmentation du plafond de l’AReNH ne « prendraient pas des années » si les syndicats et les actionnaires salariés venaient à demander très rapidement après la publication des textes des mesures provisoires prescrivant leur suspension. C’est notamment pour cette raison que nous souhaitons qu’une alternative à ce projet soit rapidement trouvée.

[1] Climate, Environment and Energy Aid Guidelines

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