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Crise russo-ukrainienne : résilience et sécurité énergétiques

Face à l’impasse de la stratégie allemande, la France doit poursuivre sur la voie de la résilience et de la sécurité énergétiques.

Alors que le continent européen vit depuis plus de dix jours au rythme des dramatiques événements se déroulant en Ukraine, l’ampleur des conséquences de ce conflit et des sanctions imposées à la Russie fait prendre conscience de l’impératif de sécurité stratégique de l’Europe.

Outre la flambée des prix et les risques de pénurie sur les matières premières, y compris agricoles, c’est l’ensemble des pays européens qui font face à une crise énergétique qu’illustrent les niveaux aujourd’hui atteints par les prix du gaz, du charbon et du pétrole. Certains la comparent même, par son ampleur, au choc pétrolier de 1973 qui avait durablement fragilisé les économies européennes.

Pour la CFE Énergies, cette crise sans précédent doit constituer un électrochoc pour l’Europe qui est ainsi mise face à ses faiblesses et dépendances stratégiques. Elle impose de garder la tête froide pour bâtir une stratégie aussi résiliente qu’autonome et qui assure notre sécurité énergétique comme il est essentiel de travailler à notre sécurité alimentaire.

Cette crise frappe tout particulièrement l’Allemagne qui est prise au piège du gaz russe dont elle dépend très majoritairement. La CFE Énergies rappelle que le livre vert de la Commission européenne publié en 2000 sur la sécurité d’approvisionnement énergétique avait fort justement préconisé de diversifier les énergies, les pays fournisseurs comme les routes et moyens d’approvisionnement. Mais les dirigeants allemands ont préféré suivre la voie d’une fuite en avant dans une Energiewende qui mariait foi aveugle dans les énergies renouvelables et sortie d’un nucléaire pourtant garant de l‘indépendance énergétique et de la sécurité des approvisionnements.

Le résultat est aujourd’hui cruel. La dépendance allemande au gaz russe n’a fait que s’accroître, d’autant que l‘Allemagne ferme ses centrales nucléaires. Elle n’a pas non plus développé ses capacités de stockage de gaz et encore moins de terminal méthanier, alors que l’ancien président de la réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, qualifiait le GNL de « soupape de sécurité ultime ».

Face à l’impasse stratégique dans laquelle se trouve l’Allemagne, le nouveau gouvernement déclare vouloir revoir ses choix énergétiques, construire des terminaux méthaniers, viser un mix électrique 100 % renouvelables en 2035 et reporter la fermeture de ses centrales au charbon. La CFE Énergies rappelle cependant que ces nouvelles infrastructures gazières ne serviront pas à résoudre la crise d’aujourd’hui puisqu’elles ne sortiront pas de terre avant plusieurs années. Le dernier rapport du GIEC, encore plus alarmiste pour l’Europe que les précédents, comme les promesses faites la main sur le cœur à Glasgow lors de la dernière COP ne doivent pas non plus être oubliés au moment de retarder la fermeture du charbon.

La CFE Énergies considère que la stratégie de la France apparaît aujourd’hui bien plus résiliente et assure bien mieux l’indépendance énergétique du pays que celle de nos voisins outre-Rhin. C’est parce quelle a su développer un bouquet énergétique équilibré reposant sur l’électricité nucléaire et hydraulique aux côtés du gaz, mais aussi parce qu’elle bénéficie d’infrastructures gazières permettant la diversification des routes d’approvisionnement que la France dépend bien moins du gaz russe que l’Allemagne. Qui peut nier en effet qu’aujourd’hui les terminaux méthaniers et les capacités de stockage dont dispose la France lui confèrent un atout stratégique majeur ?

Qui peut nier aussi que le parc électronucléaire garantit à la France la maîtrise de son destin énergétique, contrairement à l’Allemagne qui avait décidé de fermer cette année ses derniers réacteurs et hésite maintenant dans l’urgence de la crise entre deux options : fermeture au risque d’une pénurie énergétique l‘hiver prochain, ou pragmatisme conduisant à une prolongation quitte à revenir sur vingt années de dogme anti-nucléaire ?

La CFE Énergies considère que la stratégie française qui a conduit depuis plusieurs décennies à construire un mix énergétique résilient et équilibré s’avère particulièrement pertinente en temps de crise. Le choc pétrolier de 1973 avait conduit à engager le programme électronucléaire. Cette stratégie doit continuer à guider les choix énergétiques du pays, et notamment la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie. Cette résilience et cette autonomie stratégique françaises doivent être confortées !

Quand bien même la fermeture depuis 5 ans de moyens pilotables de production électrique, comme ceux de Fessenheim ou du Havre, est aussi irresponsable qu’elle a fragilisé la sécurité énergétique du pays, la CFE Énergies exhorte le Gouvernement à s’engager dès aujourd’hui à ne pas reproduire ces fautes en révisant drastiquement la trajectoire de fermeture des réacteurs du parc nucléaire existant. L’Agence Internationale de l’Énergie ne dit pas autre chose quand elle appelle l’Europe à « reconsidérer » les fermetures de centrales nucléaires. Le Gouvernement doit également traduire, par des actes concrets, les engagements pris par le Président de la République le 10 février dernier à Belfort en faveur du renouvellement du parc nucléaire.

La CFE Énergies demande tout autant au Gouvernement d’accélérer le développement des gaz renouvelables et/ou décarbonés pour réussir la décarbonation du gaz, réduire la dépendance au gaz russe et développer la souveraineté gazière de la France. C’est d’autant plus réaliste que le potentiel de gaz renouvelables en France est réel et que l’objectif de 10 % d’autoproduction en 2030 est accessible, selon un dernier rapport du Sénat.

Cette exigence de résilience et de souveraineté doit conduire la France, qui assure en ce moment la présidence de l’Union Européenne, à pousser la Commission européenne au même pragmatisme énergétique dans le paquet de mesures relatives à la crise russo-ukrainienne qu’elle doit annoncer cette semaine, et à la fin des postures idéologiques dangereuses. Au-delà de l’impératif d’accélérer sur l’efficacité énergétique, le rapporteur du Parlement européen sur le paquet gaz appelle à des changements significatifs dans l’approche de la Commission quand d’autres eurodéputés défendent des obligations de stockage européen et des achats communs si nécessaire.

La CFE Énergies alerte en particulier sur le risque de fuite en avant idéologique qui s’avérerait contraire aux objectifs de sécurité énergétique de l‘Europe. A l’opposé de l’approche de l’Allemagne qui inspire la Commission, ce n’est pas d’hydrogène exclusivement vert dont l’Europe a besoin pour assurer sa sécurité énergétique, mais d’hydrogène bas carbone, neutre technologiquement et faisant appel aux atouts de chaque pays et des infrastructures énergétiques européennes.

De même, une stratégie énergétique européenne qui ne reposerait que sur les énergies renouvelables prétendues vertes ne renforcerait que très peu l’autonomie stratégique de l’Europe, puisqu’elle remplacerait la dépendance au gaz russe par de nouvelles dépendances, bien loin du concept « d’énergies de la liberté » que le ministre allemand des finances n’hésite pas à défendre. Cette crise russo-ukrainienne réaffirme au contraire l‘exigence d’une transition bas carbone souveraine au niveau européen, reposant sur une palette de solutions bas carbone faisant appel à des technologies souveraines et à des approvisionnements en matières aussi diversifiés que possible.

Face au risque d’un hiver 2022-2023 extraordinairement dangereux pour la sécurité énergétique des Européens, la CFE Énergies considère qu’il serait irresponsable de ne pas sortir de l’aveuglement idéologique qui a présidé à la construction européenne de l’énergie et à sa libéralisation à outrance depuis deux décennies. Ce dogmatisme est d’ailleurs tout à fait contraire au pragmatisme des Pères de l’Europe.

La Présidence Française de l’Union Européenne doit donc éviter toute fuite en avant qui entraînerait l’Europe dans une débâcle énergétique. Il n’est pas trop tard pour que la résilience et la souveraineté qui caractérisent la stratégie énergétique française et que le Gouvernement doit impérativement conforter, finissent par inspirer l’Europe de l‘énergie.

Contact presse : Alexandre GRILLAT –

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