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Portraits de femmes syndicalistes

Les conférences, surtout internationales, devraient avant tout être l’occasion de s’écouter les uns et les autres.  La CFE Énergies a donc décidé à l’occasion de la Conférence de mi-mandat d’IndustriAll Global Union au Cap, en Afrique du Sud, de donner le plus possible la parole aux autres participants à la conférence.

En amont des réunions du Comité Exécutif et de la conférence plénière, ce sont les femmes de pays aussi divers que l’Australie, les États-Unis, la France, l’Allemagne, l’Argentine, l’Ouganda, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, le Maroc, le Ghana, le Lesotho, le Nigéria ou le Japon qui se sont exprimées lors d’une journée qui leur était réservée, pour parler de syndicalisme et féminisme, et de Transition Juste entre autres. Mais, la plupart des femmes syndicalistes sont à Cape Town d’abord en tant que syndicalistes.

Evi KRISNAWATI est fière d’être la première dirigeante de sa fédération syndicale en Indonésie. Elle est également fière d’avoir fait progresser la part des femmes à 35 % dans sa fédération. Cette diplômée de japonais et ancienne analyste de données regrette cependant de devoir encore et encore prouver qu’une femme est aussi capable qu’un homme de diriger un syndicat. Elle a commencé à s’intéresser au syndicalisme quand elle a été poussée par son employeur à reconnaître une faute qu’elle estimait ne pas avoir commise. Elle voulait éviter à d’autres salariés de se laisser intimider. Son principal objectif actuel est d’obtenir du président de son pays qu’il revienne sur la promulgation d’un paquet législatif, dit « Law on job creation » ou « omnibuslaw », qui restreindrait les droits des salariés, dont les droits aux congés payés et à la retraite.

« C’est grâce à mon père que je suis ici », répond Hasna GAROUCHE d’emblée à la question, pourquoi elle participe, en tant que syndicaliste marocaine, à la journée des femmes : « Mon père s’est battu contre le colonialisme et pour l’indépendance de notre pays. Il a inculqué à ses 12 enfants le goût de se battre pour leurs droits et nous, surtout les filles, sont devenues combatives. » Cette ingénieure qualité à Meknès a créé il y a 20 ans le travail syndical dans la filiale produits abrasifs de Saint-Gobain au Maroc. « Ce n’était pas facile, mais quand on veut, on peut », dit-elle. Lors de la journée des femmes d’IndustriAll Global Union, elle s’est fait la voix des femmes qui travaillent dans l’industrie textile, généralement des filiales de multinationales : « Elles représentent 90 à 95 % des effectifs et travaillent dans des conditions indécentes. Mais, elles ont trop besoin de leurs salaires de misère pour oser protester. » Hasna GAROUCHE milite pour une syndicalisation plus forte au Maroc, où seulement 6 % des travailleurs, et quasiment pas de femmes, sont syndiqués et pour que lorsqu’un accord-cadre mondial sur la responsabilité sociale existe dans une multinationale, il soit vraiment appliqué partout. 

Christine OLIVIER, Secrétaire générale adjointe d’IndustriAll Global Union, est chez elle en Afrique du Sud. Elle a grandi au Cap, alors que le pays était encore assujetti à l’apartheid. Voyant son père conducteur de tracteurs et sa mère domestique trimer pour nourrir la famille, elle a toujours eu un profond sens de l’injustice sociale. Elle a eu des soucis avec son employeur quand elle s’est jointe à un mouvement contre l’accroissement effréné de l’exigence de productivité dans son entreprise, qui fabriquait des compteurs électriques à prépaiement. Elle a commencé à s’engager dans un syndicat dans les années 1990, d’abord pour remplacer une collègue partie en congé maternité. Elle a débuté avec le syndicalisme de terrain, puis gravi les échelons pour finalement intégrer en 2021 l’équipe dirigeante d’IndustriAll Global Union à Genève.

Christine OLIVIER a fait une belle carrière syndicale, mais elle n’oublie pas d’où elle vient et soutient diverses actions sociales au Cap. Elle se souvient avoir été très heureuse de la libération de Nelson Mandela. Puis beaucoup d’espoir avait été mis dans son élection pour que les besoins vitaux des gens tels que l’électricité ou le logement soient assurés pour tous. « Mais un quart de siècle plus tard, force est de constater que les gens continuent à souffrir, qu’il y a une pauvreté abjecte et un fort taux de chômage », dit-elle avec émotion. Elle parle aussi de corruption et d’une répartition très inégale des richesses, de coupures d’électricité récurrentes surtout dans les townships.

Quand elle parle des responsabilités de compagnies multinationales, Christine OLIVIER sait ce que cela veut dire dans la pratique. Son ancienne entreprise a été reprise par des multinationales avant de disparaître. Une syndicaliste ougandaise a relevé quelques heures avant notre entretien la difficulté de négocier avec les entreprises chinoises, qui s’implantent en grand nombre en Afrique. Christine OLIVIER confirme : « Les entreprises chinoises nous donnent bien des maux de tête. » Elle appelle de ses vœux la solidarité internationale, reposant sur un syndicalisme de base fort.

Hashmeya ALSADAWE, la coprésidente irakienne du Comité des femmes, est de ces syndicalistes que l’on n’oublie pas, même quand on ne les voit que dans les réunions en ligne. Elle a une vraie présence à l’écran, mais quel bonheur de la rencontrer, alors qu’elle vous touche, qu’elle sourit et vous parle comme à une amie de longue date ! Elle a dirigé une centrale de dispatching électrique en Irak. Elle dit qu’elle aime défendre les gens. C’est la raison pour laquelle elle s’est engagée dès qu’il fut possible de créer des syndicats indépendants du gouvernement, en 2003. Avec des camarades masculins, elle a lutté pour que les femmes aient le droit de se syndiquer. Elle a pour la première fois été élue en 2004 à des élections professionnelles et porte toujours les couleurs du Syndicat général des salariés du secteur de l’électricité en Irak. Maintenant qu’elle est retraitée, pas question d’arrêter et elle n’est pas de ces femmes qui cachent leurs ambitions : « À de nombreuses réunions, j’étais dans la salle. Je me demandais comment ce serait d’être un jour à la tribune. Aujourd’hui, j’y étais et j’espère que j’ai bien mené les débats. » 

 

Lire l’épisode 1 – Les femmes ouvrent la conférence IndustriAll au Cap

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