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ENGIE : L’énergie n’est pas un long fleuve tranquille ! – Lettre n° 20

Le Groupe ENGIE affiche de très bons résultats pour l’exercice 2023, tirés principalement par la contribution de GEMS (activités de gestion de portefeuille et de risk management pour le compte des clients : 2,6 Md d’euros, les résultats des énergies renouvelables et de l’activité Retail.

Au total, l’EBIT, (résultat opérationnel courant) s’établit à 9,5 Md d’euros, hors nucléaire, et le résultat net récurrent part du groupe s’élève à 5,4 Md d’euros. Le groupe réalise son programme d’investissements (10,6 Md d’euros sur l’exercice, dont 8,1 en CAPEX de développement), mais enregistre une croissance de sa dette nette financière (29,5 Md d’euros en fin d’année) et de sa dette nette économique (46,5 Md d’euros) cette dernière étant affectée par les conséquences de l’accord libératoire passé avec le gouvernement belge sur les déchets issus du combustible usé et sur le démantèlement. Le ratio de la dette nette économique rapporté à l’EBITDA (3,1) se situe cependant bien en dessous du plafond admis de 3,8.


Deux constats à ce stade : en premier lieu, le taux de conversion des résultats en cash est excellent, le cash-flow opérationnel atteignant 13 Md d’euros, dont 11 Md d’euros si l’on ne tient pas compte des appels de marge : le cash est en effet tiré à la hausse par l’activité opérationnelle, à laquelle s’associe un retournement favorable du besoin en fonds de roulement (notamment l’évolution des stocks de gaz

En outre, la CFE-CGC note que les très bons résultats de l’année ont été bonifiés par une forte performance opérationnelle, et donc une contribution et un effort essentiels des salariés du Groupe.
ENGIE a annoncé distribuer un dividende de 1,43€ euros € par action, conformément à sa politique de dividende qui fixe le taux de distribution entre 65 et 75 % du résultat net récurrent. En l’occurrence, c’est la borne inférieure de la fourchette (65 %) qui est ici confirmée.

L’un des points de vigilance quant à la valorisation du Groupe réside dans l’écart entre la performance récurrente et le résultat net global du Groupe. Cette année encore, le résultat net part du groupe est inférieur de plus de 3 Md d’euros au résultat net récurrent, avec une valeur toutefois positive, à savoir 2,2 Md d’euros.

  • Les provisions exceptionnelles passées pour intégrer les conséquences de l’accord passé avec le gouvernement belge sur les déchets nucléaires, qui joue pour plus de 4 Md d’euros en négatif sur le résultat global comme sur la dette nette économique,
  • le « Mark to Market », qui mesure la différence entre les prix à terme consentis dans les achats et ventes d’énergie, et l’évolution effective des cours, ce qui se traduit par des gains et pertes non récurrents en compte de résultat (+2,4 Md d’euros en 2023),
  • les tests de dépréciation d’actifs (« impairments ») qui se traduisent par une dépréciation de 1,3 Md d’euros en 2023 (notamment sur certaines activités nord-américaines et chiliennes).

Notons que l’écart entre les résultats « récurrent » et « non récurrent » devrait diminuer sensiblement et être mieux maîtrisé à l’avenir :

  • Les conséquences des obligations à la charge d’ENGIE sur le démantèlement et le combustible nucléaire sont intégralement enregistrées, et le Groupe n’est plus à la merci, comme par le passé, d’une revalorisation périodique des provisions nucléaires. ENGIE continue par ailleurs à négocier une prise en charge partagée des surcoûts liés à la désoptimisation opérationnelle encourue sur les sites qui vont se trouver en post-exploitation et en démantèlement pour certaines tranches, et en prolongement pour d’autres,
  • la nouvelle politique de « cash-flow hedging » sur les couvertures aura pour conséquences, en termes de comptabilisation des opérations, de diminuer l’impact de la composante « Mark to Market » sur le compte de résultat,
  • seul le poste « impairment », difficilement prévisible d’une année sur l’autre, sera donc susceptible d’introduire une certaine volatilité sur les éléments non récurrents.

Après l’année 2023 à bien des égards exceptionnelle, ENGIE prévoit des résultats en baisse sur la période 24-26, assis toutefois sur une base solide. Dans sa guidance réestimée à l’occasion de la présentation de ses comptes annuels, le Groupe se situe toujours, en milieu de fourchette, au-delà de 4 Md d’euros en résultat net récurrent prévisionnel. Parmi les points forts remarqués par les investisseurs et les experts, on trouve :

  • L’effet des mises en service des investissements réalisés dans les différentes GBU (renouvelables, réseaux à l’international, batteries,…),
  • le maintien d’un résultat solide pour GEMS (environ 1,5 Md d’euros) certes en baisse par rapport à 2023, mais durablement en hausse si on le compare à son niveau ante crise,
  • les conséquences des hausses tarifaires sur les infrastructures gazières régulées françaises, accueillies favorablement par les analystes.
  • L’équation cash du Groupe affiche un déséquilibre qui est la conséquence des décaissements associés à l’accord sur le nucléaire. Le cash-flow issu des opérations permet globalement de couvrir les dépenses d’investissement et les flux de dividendes, mais un accroissement de la dette nette financière sera néanmoins nécessaire pour faire face à l’ensemble de nos autres obligations. Si les ratios de comparaison de cet endettement par rapport à la valeur créée sont a priori solides, toute dégradation des conditions générales permettant de délivrer la stratégie du Groupe sera à scruter avec attention.
  • Dès à présent, nous avons observé une baisse des prix de l’énergie sur décembre 2023 ainsi qu’au début 2024. Le Groupe a effectué un exercice de rebasage de son plan à moyen terme, envisageant d’ores et déjà des actions managériales pour compenser au moins partiellement cet effet prix, ce qui a conduit à l’expression d’une guidance encore robuste. Néanmoins, il conviendra d’être extrêmement vigilants sur la nature de ces actions, en particulier si les tendances des prix venaient à se confirmer et même à s’amplifier. Des embauches différées seraient à redouter, et une pression sur les coûts pourrait affecter des salariés déjà très sollicités en matière de performance ces dernières années, du fait d’éléments extérieurs (covid, guerre en Ukraine) et internes (réorganisations). Le management doit travailler avec les instances de gouvernance sur une éventuelle correction des équilibres du plan à moyen terme, à l’horizon du début du deuxième trimestre. Les partenaires sociaux seront des acteurs incontournables des éventuelles corrections de trajectoire.

Les salariés savent pertinemment qu’en cas d’approfondissement d’actions managériales visant à tempérer l’effet de la conjoncture des prix de l’énergie sur la trajectoire financière, ils risquent de constituer une désolante variable d’ajustement. Il ne s’agit pas d’être résignés, mais de coconstruire l’avenir sans recours systématique aux recettes vieillottes des cost-killers. Il y va de l’attractivité d’un Groupe, qui se doit d’affronter en responsabilité les défis qui s’imposent à lui, en particulier l’évolution de son profil de risque. L’année 2024 risque d’être très sensible sur le plan géopolitique, avec plusieurs élections à enjeu majeur. Le Groupe a fait l’expérience de nouveaux risques, en se développant sur les marchés énergétiques nord-américains. Un domaine comme les renouvelables, où le Groupe réalise des investissements massifs, est très sensible à l’évolution des chaînes d’approvisionnement, elle-même liée aux questions vitales de souveraineté industrielle.

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