Lettre de l’administrateur salarié d’EDF
EDF 100 % public… et alors ?
L’État français a lancé une OPA pour monter à 100 % du capital d’EDF. EDF deviendra ainsi 100 % publique. Pourtant, en engageant près de 10 milliards dans l’opération, celle–ci n’apporte rien à l’entreprise. Les 10 milliards de fonds publics vont servir à racheter les actions détenues par les minoritaires et cela ne règle en rien la situation de sous–capitalisation d’EDF. Dans sa note d’opération, l’État n’apporte en outre aucune réponse concernant ce problème structurel de l’entreprise, amplifié par une année 2022 extrêmement pénalisante pour EDF. S’il affirme son souhait de développer un programme EPR, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) en vigueur prévoit à l’inverse la fermeture de 14 réacteurs. Nous pouvons néanmoins considérer positivement le lancement de la concertation nationale sur le système énergétique. Elle se déroule en parallèle de celle concernant le programme de nouveaux réacteurs nucléaires dont deux à Penly. Ces concertations viennent en amont du projet de loi de Programmation Énergie–Climat, prévu avant juillet 2023, dont découlera la révision de l’actuelle PPE. Elle devrait être mise en cohérence avec la nouvelle ambition présidentielle. Pour l’instant, nous ne sommes qu’au stade de l’intention, sans parler des modalités de financement. EDF, sous-rémunérée et sous capitalisée, ne peut pas se permettre de tels investissements. Les actes de ces derniers mois montrent d’ailleurs le contraire […]
Ainsi, les décisions de l’État auront pesé sur près de 35 milliards de pertes ou manque à gagner pour EDF. Ce montant est à mettre en parallèle de l’augmentation de capital lancé en avril 2022 et souscrite à hauteur de 2,7 milliards par l’État. Nous sommes loin de l’engagement de l’État allemand qui prévoit de débourser 55 milliards pour maintenir Uniper.
Les actes sont toujours préférables aux paroles. Espérons que dans les mois qui viennent, notre unique actionnaire fournisse à EDF les moyens de réaliser ses investissements massifs pour le système électrique, la production, les réseaux et les services aval.
EDF a besoin d’un État stratège qui définisse un cap de long terme, stable, porteur d’une vision industrielle. EDF ne doit pas se résumer à “production électrique de France”. EDF doit rester un Groupe intégré. Les salariés du Groupe EDF détiennent les compétences pour répondre à l’urgence climatique et mettre en œuvre la stratégie bas-carbone de la France, tant en amont qu’en aval, pour décarboner et promouvoir des solutions d’économies d’énergie auprès des ménages, des professionnels, des entreprises et des collectivités territoriales.
Situation financière : fortes tensions
L’entreprise se trouvait dans une situation extrêmement tendue en 2016 après la décision d’engager HPC sur ses fonds propres. Les efforts des personnels sur les dépenses et une sélectivité accrue des investissements ont permis de maitriser l’endettement tout en poursuivant la stratégie CAP 2030 du Groupe EDF. Pourtant, cette année 2022 vient mettre à mal les perspectives poursuivies par l’entreprise. La trésorerie du Groupe a été mise sous forte tension. C’est sur le fil que l’entreprise a réussi à tenir le cap de ses engagements auprès de ses clients, fournisseurs et salariés. Pour faire face, EDF a souscrit de nouvelles lignes de crédit et lancées des nouvelles émissions obligataires. Elles accroissent une dette déjà conséquente.
En instaurant le mécanisme d’Arenh par la loi NOME de 2010, l’État a souhaité ouvrir un espace concurrentiel aux nouveaux entrants sur le marché de l’électricité. Sans prendre aucun risque industriel, ces acteurs bénéficient d’une énergie bon marché. Les conditions d’achat de cette électricité devaient refléter les conditions économiques de production par les centrales nucléaires. Cette idée de juste rémunération figure explicitement dans l’article L337–14 du code de l’énergie. Pourtant l’Arenh est toujours fixé, 12 ans plus tard, à 42€ du MWh sans tenir compte ni de l’inflation, des investissements réellement mis en œuvre et des réels coûts d’exploitation. Ce mécanisme ne permet pas à EDF d’investir pour renouveler son parc. Il ne bénéficie pas non plus directement au client final comme le tarif régulé de vente. Il a permis à des acteurs non industriels de générer de juteux bénéfices au mépris de l’intérêt général. Il est urgent de réformer le cadre régulatoire pour définir une juste régulation. Elle doit à la fois permettre l’exploitation du parc, mais également financer la R&D, le développement des nouveaux moyens de production bas-carbone et tous les investissements pour sécuriser le système électrique. C’est le souci du bien commun qui doit être remis en avant : en planifiant sur le long terme, le client et le contribuable seront gagnants.
Enedis n’est pas non plus épargnée par la situation. En effet, Enedis doit acheter sur le marché l’électricité pour compenser ses pertes. Cette situation liée à l’idéologie de la concurrence contraint Enedis à subir l’augmentation des prix de marché de l’électricité. En espérant que la régulation du TURPE couvre les surcoûts, Enedis doit néanmoins en avancer le financement. Au final, cela va encore alourdir le prix payé par le consommateur. Il est indispensable d’en réformer le cadre régulatoire par ailleurs.
Filière nucléaire : des projets qui témoignent d’un regain d’intérêt
La crise énergétique qui secoue l’Europe remet en lumière le nucléaire comme un des piliers qui permet d’atteindre les objectifs pour le climat et de garantir l’indépendance énergétique de l’Europe.
En France, le Chef de l’État, dans son discours de Belfort, s’écarte de la PPE en affirmant sa volonté de mettre en chantier un programme de 6 EPR, de travailler à la prolongation des réacteurs existants au–delà de 50 ans et le développement des petits réacteurs modulaires (SMR).
Dans le reste de l’Europe, la Pologne décide de basculer dans l’énergie nucléaire. L’Allemagne et la Belgique prolongent les réacteurs encore en activité. Les Pays–Bas ont annoncé vendredi 9
décembre qu’ils allaient construire deux nouvelles centrales nucléaires. EDF et Fortum ont signé un accord de coopération autour du développement de nouvelles centrales nucléaires en Finlande et en Suède. EDF a remis une offre initiale pour la construction d’un EPR1200 en République tchèque dans le cadre d’un appel d’offres.
La dynamique autour du nouveau nucléaire constitue une bonne nouvelle pour la filière française. C’est dans ce contexte que le Plan Excell doit délivrer ses résultats pour permettre de retrouver de hauts niveaux de qualité. En outre, EDF a fortement investi pour sécuriser la fourniture et la qualité des équipements. En réalisant l’acquisition de Framatome et en projetant d’acquérir l’activité nucléaire de GE Steam Power, le Groupe EDF maitrise désormais l’ensemble des éléments critiques pour construire des réacteurs. Si EDF n’a pas la vocation à être un équipementier, garantir la stratégie de développement de nouveaux projets nucléaires nécessite ces rachats.
En outre, afin de permettre aux équipes du Groupe EDF de gérer la charge des études et projets, il est nécessaire d’accélérer et d’anticiper les recrutements. Actuellement, les équipes sont déjà particulièrement sollicitées tant par le programme EPR2 en France, le programme britannique avec HPC et Sizewell C, le projet Jaitapur en Inde et maintenant celui de l’EPR1200.
INVITATION
Web conférence : EDF 100 % public… et alors ?
Jeudi 2 février 2023 de 12 h 30 à 14 h 00
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À votre écoute
Le Conseil d’administration d’EDF définit et veille à la mise en œuvre des grandes orientations dans les domaines stratégique, économique et industriel. Il vote le budget, le plan moyen terme, le plan stratégique, le contrat de service public, propose les dirigeants et fixe leur rémunération, autorise les opérations de croissance externe et supervise le processus d’audit et de contrôle interne.
Le Conseil d’administration est donc le lieu privilégié pour promouvoir le projet industriel et social auquel vous aspirez. En tant qu’administrateur salarié, je défends un modèle économique qui ne soit pas limité aux seuls critères financiers. J’ai à cœur de porter votre voix au plus haut niveau du Groupe EDF et de défendre sa pérennité sur le long terme.
N’hésitez pas à prendre contact avec moi pour me faire part de votre expérience, évoquer les sujets de stratégie qui vous préoccupent. Je suis à votre disposition.
Je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année en famille.
Christian TAXIL
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