Réforme d’EDF
Avec Hercule qui recule, la CFE Énergies estime que le Gouvernement a fait la moitié du chemin en revenant à la raison face au nœud gordien européen
Après de longs mois d’hésitations, le Gouvernement vient de suspendre le projet herculéen de réforme d’EDF jusqu’à nouvel ordre, considérant que faute d’accord global avec la Commission européenne, « il n’est pas envisageable d’avoir un projet de loi au Parlement dans l’immédiat », selon les sources gouvernementales évoquées par les articles de presse. Avec l’intersyndicale, la CFE Énergies n’a cessé de réclamer au Gouvernement qu’il joue cartes sur tables, en vain. Avec ce retour à la raison face au nœud gordien européen, la mobilisation des salariés, de leurs représentants et d’une partie importante des élus de la Nation aura donc fini par payer. La CFE Énergies s’en réjouit, car cette décision est – enfin – celle du bon sens.
Convaincue que les fondamentaux du montage herculéen posent de sérieux problèmes de compatibilité avec le droit européen, la CFE Énergies attend toujours, et ce depuis de nombreux mois, que le Gouvernement clarifie les nombreuses incertitudes liées à l’accord qu’il tente d’établir avec la Commission européenne, accord qui a été maintes fois annoncé depuis fin 2020 sans jamais être concrètement mis sur la table. Cette transparence est d’autant plus essentielle que les zones d’ombre liées aux contreparties exigées par la Commission européenne sont nombreuses, contreparties qui pourraient conduire à la limitation des flux financiers entre entités du groupe, condition du maintien du groupe intégré, à la fin des synergies entre EDF, son parc nucléaire et son parc hydroélectrique, et à une concurrence entre les trois sociétés issues de la réforme d’EDF, réduisant à néant 75 années d’optimisation du système électrique français au service de la Nation et conduisant – de fait – à la désintégration d’EDF.
Cette suspension du projet Hercule est d’autant plus justifiée que cette réforme était précipitée parce qu’engagée au nom de l’avenir d’EDF et du financement de ses investissements malgré l’absence totale de visibilité sur l’engagement du renouvellement du parc nucléaire français, qui est pourtant une question essentielle pour l’avenir d’EDF et son financement. Dans la même logique, cette précipitation était tout autant incompréhensible au regard des incertitudes pesant sur l’issue du débat européen sur la taxonomie.
Pour la CFE Énergies, toute évolution d’EDF est vouée à l’échec si elle se résume à un passage en force d’une réforme capitalistique qui ne saurait constituer un véritable projet industriel et social. L’avenir d’EDF ne pourra en effet se construire sans un véritable dialogue, honnête et sincère, dans le respect de la véritable raison d’être d’EDF qu’est le service public, visant à partager les différents points de vue dans le cadre d’un dialogue social réel et une pleine volonté de co-construction, clef de l’adhésion des salariés et donc de la réussite. La CFE Énergies demande donc de mettre à profit la période qui s’ouvre désormais pour enfin lancer avec les partenaires sociaux une véritable concertation qui permette de bâtir collectivement les réponses aux problèmes d’EDF à travers la mise en place d’une commission que l’interfédérale réclame depuis de nombreux mois.
Si le Gouvernement est réellement sincère dans sa volonté de donner à EDF les moyens d’investir dans le modèle français de transition énergétique et la décarbonation par l’électrification, alors il ne peut pas se contenter de procrastiner et de ne rien faire jusqu’aux échéances électorales de 2022. Consciente des problèmes structurels de sous-rémunération et de sous-capitalisation d’EDF, la CFE Énergies réitère donc sa demande de réévaluation du prix de l’AReNH à un prix permettant la couverture des coûts de production d’EDF, et de recapitalisation d’EDF en s’appuyant sur la promesse que le Ministre a faite aux organisations syndicales le 6 avril d’apporter à EDF 10 milliards d’euros de soutien public. Seule cette recapitalisation permettra de renforcer les fonds propres d’EDF et donc sa capacité d’investissement.