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Net Zero Industry Act Européen, vers une véritable politique industrielle européenne bas carbone ?

C’est ainsi que s’exprimait la CFE Énergies en février 2022 dans ses recommandations pour la transition bas-carbone et c’est sans relâche qu’elle agit au niveau européen auprès des décideurs et au travers des organisations syndicales européennes pour que cette politique énergétique et industrielle devienne une réalité tant au niveau national qu’au niveau européen.

Il faut le reconnaître, l’IRA américain (Inflation Réduction Act), plan industriel énergie climat massif mise en place en août 2022 par l’administration Biden aux États-Unis pour accélérer la transition énergétique, a créé à Bruxelles une véritable onde de choc. Ce dispositif massif – entre 370 et 1200 milliards de dollars- soutenant tous les leviers de la lutte pour le climat, dont le nucléaire, parfaitement lisible pour les entreprises quant aux aides dont elles pourront disposer et assorti de clauses sociales, a été le déclencheur d’une véritable prise de conscience de l’absence d’un tel levier en Europe. Pendant qu’aux USA se mettait en place une politique de subventions industrielles ambitieuses, en Europe, on discutait indéfiniment de normes !

Il était temps de réagir, un nombre croissant d’entreprise européennes avaient commencé à réinterroger leurs arbitrages industriels pour investir et se délocaliser aux États-Unis, où, en moins d’un an, plus de 70 projets d’usines de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes… voyaient le jour.

La réaction des fédérations syndicales européennes pour réclamer une politique industrielle européenne à la hauteur du défi, renforçant l’autonomie stratégique d’une Europe confrontée à des tensions géostratégique majeures sur fond de guerre en Ukraine ne s’est pas fait attendre. Industriall Europe (IAE) notamment a clarifié les attendus de cette politique et demandé un soutien fort à l’investissement et à la lutte contre la désindustrialisation, des aides à la protection et à la garantie d’emplois de qualité, l’encouragement à la croissance et au progrès social tout en évitant la concurrence entre les régions.

La CFE Énergies a  de plus obtenu que cette politique figure en tête du plan stratégique 2023 – 2025 d’IAE ; elle sera donc au centre de l’attention des fédérations syndicales regroupées au sein d’IAE.

Le 16 mars 2023, le règlement industrie zéro émission nette (NZIA, selon l’acronyme anglais), réponse de l’Union européenne à la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) mise en place par les États-Unis, est dévoilé par la Commission. Son but affirmé est de soutenir l’industrie européenne face à la concurrence extérieure, notamment américaine et chinoise. Un coup de fouet particulièrement nécessaire pour soutenir les capacités de production, sur le sol européen, de technologies jugées clés pour la transition énergétique, et qui constitue un vrai tournant dans la politique jusqu’ici ultra libérale de l’UE.

La question du choix des technologies éligibles était hautement inflammable. Au départ, le choix des technologies stratégiques dont l’UE souhaitait soutenir la production concernait le solaire photovoltaïque et thermique, les renouvelables (terrestre et maritimes), les batteries et le stockage, les pompes à chaleur et technologies de l’énergie géothermique, les électrolyseurs et piles à combustible, les technologies durables de production de biogaz/biométhane, de captage et de stockage du carbone, les technologies de réseau… Selon une habitude malheureusement récurrente, le nucléaire, énergie bas-carbone fournissant une électricité de base pilotable et abordable, dont l’industrie a un besoin vital, était absent du NZIA.

Au terme de longues négociations, après le Parlement, c’est le Conseil européen qui vient d’adopter le NZIA qui oriente la stratégie industrielle de l’Union en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans sa dernière formulation, celui-ci intègre le nucléaire dans son intégralité. L’atome bénéficiera, au même titre que d’autres technologies de la transition énergétique, de procédures simplifiées et d’accès à des financements qu’il s’agisse de l’exploitation des réacteurs existants, du cycle du combustible, de la construction de nouveaux réacteurs de puissance et de SMR/AMR. Attention, le compromis final entre les différentes institutions de l’UE lors de leurs négociations n’aura lieu qu’en début d’année prochaine, donc rien n’est définitivement joué.

Un certain nombre de sujets restent encore en cours de discussion au moment où nous rédigeons ce texte. Ce sont, par exemple, les critères hors prix (durabilité, résilience) pour les appels d’offres lors des enchères destinées à déployer des énergies renouvelables ou encore les objectifs à l’horizon 2030 en matière d’injection de CO₂ dans les sites de stockage de l’UE et le règlement concernant le stockage de carbone

Mais, c’est certainement la question non réglée de l’accès effectif au financement et son niveau même qui est la plus préoccupante. Les positions des diverses institutions diffèrent encore significativement. Seulement 1,5 milliard d’euros iraient à la « Plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe » (Step, selon l’acronyme anglais), en remplacement du fonds de souveraineté un temps attendu. Un montant bien inférieur aux 10 milliards initialement prévus par la Commission et aux 13 milliards souhaités par le Parlement européen.

Il est clair que cette question de l’accès au financement pour toutes les énergies bas-carbone et à des niveaux qui ne placent pas l’industrie européenne dans une situation tenable vis-à-vis de la concurrence américaine ou chinoise est cruciale. Il ne reste plus que quelque mois pour finaliser un texte à la hauteur des enjeux climatiques, économiques et sociaux.