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ENGIE est plus que jamais à la croisée des chemins. – Lettre n°21

Le premier semestre 2024 a apporté au Groupe ENGIE des résultats de bonne facture, dans un contexte de normalisation et donc de détente des prix de l’énergie. Ceci explique que les chiffres financiers soient globalement inférieurs au réalisé 2023 à date, tout en affichant une très bonne tenue par rapport au budget prévu pour cette année. La baisse de la volatilité des prix a notamment impacté l’activité d’ENGIE GEMS consacrée aux opérations d’optimisation du portefeuille d’actifs.

Avec un EBIT hors nucléaire de 5,6 Md€ et un résultat net récurrent part du Groupe de 3,8 Md€, ENGIE génère de très bons résultats sur le plan opérationnel. L’impact des mises en service des investissements récents est très visible, notamment dans le domaine des renouvelables.

Les températures douces au premier semestre ont eu un effet volume négatif sur les consommations, impactant les activités réseaux et retail. Pour les infrastructures gazières françaises, les conséquences de l’augmentation des tarifs des activités régulées ne seront pleinement visibles qu’à compter du second semestre. L’activité FlexGen a de son côté réussi l’intégration de Broad Reach Power (batteries) aux États-Unis, tout en capturant de bons spreads dans son activité de pointe. Il convient toutefois d’être vigilant sur l’évolution de la fiscalité, notamment en France, relative à la Contribution de la Rente Infra Marginale, s’il est confirmé qu’il s’agit bien là d’une taxation de la puissance électrique installée.

Le Groupe a généré sur le premier semestre un niveau élevé de Cash Flow des Opérations, à 8,9 Md€. Ce résultat a été obtenu en grande partie par l’exploitation, indépendamment des appels de marge liés aux opérations de couverture. Si le cash s’accroît, il est aussi mieux rémunéré, et le résultat financier s’améliore en conséquence. Pour autant, la dette nette financière augmente de 700 M€ pour atteindre 30,2 Md€, le premier semestre étant affecté par le versement des dividendes aux actionnaires. La dette nette économique (qui intégrait déjà en 2023 l’effet des négociations sur le nucléaire) est elle en baisse de 800 M€ à 45,8 Md€ ; le ratio de cet agrégat rapporté à l’EBITDA se situe à un bon niveau de 3,1 (pour un maximum normatif exigé de 4x).

Capex

Le Groupe a poursuivi sa politique de CAPEX de croissance, conformes à la prévision et bien supérieurs à l’exercice 2023 à date. Sur la performance, les indicateurs opérationnels, et donc l’effort demandé aux salariés, ont été au rendez-vous, ainsi par exemple chez Energy Solutions en France. Le Groupe a aussi renégocié des contrats PPA (Power Purchase Agreements) aux USA. En revanche, les entités en perte ont révélé quelques défaillances qui ont le mérite d’être clairement identifiées et feront l’objet d’actions appropriées.

Le résultat net global part du Groupe est positif à hauteur de 1,9 Md, toutefois à un niveau encore sensiblement inférieur au résultat net récurrent, en raison d’effets résiduels des valorisations « Mark to Market » des opérations à terme. Il est attendu, avec la généralisation de la politique de Cash Flow Hedging et ses conséquences comptables, une réduction structurelle de l’écart entre le résultat récurrent et le résultat global.

Toutefois, celui-ci continuera bien sûr d’être affecté par les éventuels impairment tests (dépréciations d’actifs) de même que par les opérations de changement de périmètre (plus ou moins-values de cessions). La maîtrise du résultat net global, incluant les opérations récurrentes comme non récurrentes, est une condition essentielle de la bonne valorisation d’ENGIE, que les acteurs du monde de la finance considèrent encore sous-estimée par rapport à ses pairs.Au final le Groupe présente une guidance 2024 réestimée à la hausse, avec un milieu de fourchette à 5,3 Md€ pour son résultat net récurrent.

ENGIE continue d’afficher une réelle ambition de croissance industrielle dans les secteurs définis par sa stratégie : ainsi des énergies renouvelables et des batteries, des services liés à l’énergie, ou des investissements dans les infrastructures. Pour ces derniers, les infrastructures de transport ou de distribution électrique à l’international constituent de possibles opportunités. Le Groupe doit cependant réussir en parallèle, et en particulier sur le territoire national, la mutation des réseaux gaziers vers les gaz verts, car ces derniers sont la clef de leur pérennisation sur le long terme. La montée en puissance du biométhane, mais aussi le développement des gaz de seconde génération (pyrogazéification, gazéification hydrothermale) sont essentiels pour assurer la cible vitale de 100 % de gaz non fossile acheminé à l’horizon 2050, avec des objectifs intermédiaires ambitieux en 2030. Les coûts échoués des réseaux de gaz seront d’autant plus limités que cette conversion sera réussie. Le cash généré par les activités régulées doit d’ailleurs soulager d’autant l’équation financière du Groupe.

ENGIE est et doit pouvoir rester une « utility », autrement dit un énergéticien, tout autant impliquée dans les marchés énergétiques concurrentiels que dans les activités régulées de gestion d’infrastructures (elles-mêmes nécessaires à sa notation financière). Le Groupe peut aussi rechercher un développement harmonieux et équilibré dans les deux énergies, électrique et gazière. Être un énergéticien équilibré, c’est l’assurance de la résilience.

Si les ambitions doivent demeurer industrielles, il faut également parer à des contraintes d’ordre financier, sans toutefois que la finance ne serve de guide premier à la décision. Le Groupe vise le maintien d’une notation financière « BBB+ » qui pour l’heure, comme nous l’avons vu dans les comptes, est compatible avec la valeur créée et avec l’endettement maîtrisé. Le maintien d’une équation financière équilibrée nécessitera donc du discernement dans les choix industriels, avec des priorités (et parfois des renoncements) dans les Capex recherchés. Le financement des investissements stratégiques pourrait être parfois indissociable de certaines cessions. Le Groupe doit donc impérativement offrir de la visibilité stratégique à son corps social dont l’implication est le premier des facteurs clés de succès, et dont la création de valeur ne peut pas se faire à son insu, ou sur son dos.

Dans ses prévisions à moyen terme, ENGIE doit également réfléchir à une politique de distribution de dividendes qui soit tout à la fois juste et raisonnable au regard des défis de l’équation financière, sans céder aux sirènes de la création de valeur actionnariale qui a fait tant de mal à l’industrie française depuis 40 ans. Le cours de l’action a certes été chahuté par le contexte politique français, mais il a bien réagi à la communication sur les comptes semestriels et à la réévaluation de la guidance, et il ne saurait être la première des finalités pour la direction d’un groupe industriel. C’est à l’aune d’une politique aussi ambitieuse qu’équilibrée, aussi réactive industriellement que rassurante financièrement, que se situera l’avenir du Groupe

ENGIE demande beaucoup d’efforts cumulés de performance à ses salariés.

Ceux-ci sont prêts à répondre présents, dès lors que leur activité est dotée de sens, que les ambitions économiques sont claires et visibles, que les valeurs d’éthique, de sécurité et du vivre-ensemble sont clairement partagées. À l’heure de la CSRD1, il est clair que le financier n’est pas la seule référence qui guide nos pas ni motive les jeunes qui rejoignent le groupe.

Il est pourtant indispensable qu’à tous les niveaux managériaux, et pour garantir autant la cohésion que l’attractivité du collectif, une politique de rémunération plus juste et plus motivante alliant reconnaissance et partage de la valeur soit réellement menée par l’exécutif, avec des objectifs ambitieux dans toutes ses composantes : fixe, variable, incentives à cible élargie, intéressement, participation…. Il n’est pas audible que les bons résultats rémanents du groupe ENGIE d’année en année ne soient pas l’occasion d’une meilleure rétribution partagée, d’un véritable partage de la valeur. L’idée d’une prime liée aux bons résultats avait été mise en œuvre à une reprise, mais elle n’a pas été rééditée.

Link 2024

Alors que l’opération LINK s’est révélée être un franc succès, les rémunérations doivent à leur tour être au rendez-vous, à la hauteur des gains de performance requis.


  1. CSRD : Corporate Sustainability Reporting Directive (directive européenne relative à la publication d’information en matière de durabilité par les entreprise) ↩︎
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