Avenir de l’Europe
La CFE Énergies dénonce le double discours énergétique qui est un poison pour le projet européen
À moins d’un an de prochaines élections européennes cruciales pour l’avenir de l’Europe, dans le contexte du réchauffement climatique, des conséquences géopolitiques du conflit russo-ukrainien et de la crise de l’énergie, la CFE Énergies dénonce les doubles discours qui constituent un poison lent pour le projet européen.
Lors d’un débat qui fait rage à Bruxelles sur les contours d’une réforme du marché de l’électricité qui navigue entre postures idéologiques et « réformette » inefficace, l’Allemagne n’hésite pas en effet à s’opposer à l’application des contrats pour différence (CfD) aux parcs nucléaires existants, en les assimilant à des subventions publiques et donc à des aides d’État.
En affichant ainsi son refus que l’économie française puisse continuer à bénéficier de la compétitivité du parc nucléaire hexagonal, Berlin mène un combat économique qui est bien loin de l’esprit d’un couple franco-allemand érigé en moteur de la construction européenne, et au prétexte d’une orthodoxie concurrentielle qui a pourtant montré ses limites.
Dans ce contexte, le patron d’E.ON, géant allemand de l’énergie, n’a pas hésité, cet été, à déclarer que l’énergie nucléaire française allait faciliter le passage vers un mix électrique renouvelable outre-Rhin et que « l’Allemagne ferait bien d’être prudente quand elle essaye d’imposer sa voie à tout le monde ». Pour la CFE Énergies, mépriser le principe de subsidiarité énergétique, pourtant consacré par le Traité européen de Lisbonne de 2008, n’est pas vraiment le meilleur moyen de défendre le projet européen.
Or dans le même temps, Berlin n’hésite pas à fouler aux pieds son orthodoxie libérale en distribuant des milliards de subventions pour attirer sur le sol allemand les projets de méga-usines vertes, quitte à provoquer l’ire d’une Commission européenne plus que vigilante sur les distorsions de concurrence induites par les aides d’État. Qui peut oublier qu’avec son plan « bazooka », Berlin a prévu plus de 200 milliards d’euros de subventions, il y a à peine quelques mois, pour aider son économie et son industrie à faire face à la crise des prix de l’énergie ?
En écrasant ainsi la concurrence en Europe, l’Allemagne joue un jeu très personnel et très peu européen. La Commission a en effet récemment pointé l’explosion des subventions allemandes qui représentent près de la moitié des aides d’État versées en Europe, faisant ainsi perdre toute crédibilité au discours allemand contre l’aide d’État que constituerait l’application des CfD au nucléaire français.
Pire, au moment où la lutte contre la dépendance aux importations extra-européennes est au cœur de l’objectif européen d’autonomie stratégique, rendu incontournable avec le conflit russo-ukrainien, le gouvernement allemand a annoncé un accord de principe sur les aides d’État dont pourrait bénéficier la construction de très nombreux GW de centrales électriques censées fonctionner à l’hydrogène vert, dont une grande partie devrait être importée de pays non européens.
Qui peut croire que l’intérêt de l’Europe et de sa souveraineté soit de mobiliser des fonds publics européens qui, in fine, soutiendront, entre autres, des monarchies du Golfe misant de plus en plus sur l’hydrogène vert pour maintenir leur influence de puissances majeures de l’énergie ? Qui peut croire que l’Europe de l’énergie dépassera le stade de la chimère si elle reste bâtie sur l’hypocrisie, la « main invisible du marché » érigée en horizon indépassable et le refus du pragmatisme bas carbone dont les Suédois, entre autres, font aujourd’hui preuve ?
Pour la CFE Énergies, l’avenir du projet européen impose de combattre ce double discours très dangereux parce qu’il menace les fondamentaux d’un projet basé sur la coopération, la solidarité et l’unité dans la diversité. C’est là l’enjeu des dix prochains mois.