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Réforme des heures creuses : un pansement pour un réseau saturé

Avec cette réforme, on demande désormais aux consommateurs d’être flexibles et de se plier aux contraintes du réseau électrique, faute d’avoir su organiser la transition énergétique avec cohérence et pragmatisme. Cette modernisation masque mal l’urgence. Officiellement, la réforme redistribue les huit heures creuses : cinq la nuit, deux à trois heures en journée, pour “profiter du solaire en excès”. En réalité, il s’agit surtout « d’écoper » : le réseau déborde en milieu de journée, puis étouffe le soir. Ainsi, près de 11 millions de ménages verront leurs horaires modifiés par Linky, parfois différemment d’un voisin à l’autre : une complexité supplémentaire pour pallier une mauvaise anticipation collective, et un gain dérisoire pour la majorité des foyers.

Sur le papier, les heures pleines coûtent 20 % de plus. Mais dans les faits, seules les familles très bien équipées – ballon d’eau chaude pilotable, domotique, véhicule électrique – tireront un véritable avantage de cette réforme. Pour les autres, ce sera souvent : plus d’heures pleines, plus chères, sans réelle capacité à profiter des heures creuses. L’économie moyenne ? 40 à 50 € par an, le tout au prix d’un changement d’habitudes, de reprogrammations, et d’une gymnastique quotidienne qui ne profitera pas à tous.

Pourquoi cette réforme ? Parce que le système craque. Pour la CFE Énergies, le solaire dépasse 25 GW, mais il est concentré sur quelques heures. En 2025, plus de 360 heures de prix négatifs, des gigawattheures de solaire jetés chaque semaine en écrêtement, et le soir… on rallume du gaz pour passer la pointe. Ce n’est plus une transition : c’est une contradiction devenue structurelle. On surproduit en plein midi, on manque le soir, et l’on demande aux ménages de boucher les trous.

Cette réforme est donc une réponse marginale à un problème majeur. Déplacer quelques usages en journée ne changera pas le fond du problème. La réforme n’augmente pas le stockage, ne corrige pas le marché, ne planifie pas un déploiement équilibré des énergies intermittentes, ne sécurise pas le pilotable, ne règle rien de la pointe hivernale, qui reste le talon d’Achille français. On soulage à la marge, mais on ne traite rien. On ajuste, mais on ne décide pas. On corrige les symptômes, mais on laisse prospérer la cause.

Pour la CFE Énergies, cette réforme des heures creuses est une réforme utile pour le réseau électrique mais elle est totalement insuffisante. La réforme HP/HC ne doit tromper personne. Elle rend service au réseau, pas au consommateur. Elle compense l’intermittence, mais sans la maîtriser. Elle donne l’illusion d’une transition pilotée, alors qu’elle masque l’absence de stratégie. La vraie question est ailleurs : combien d’énergies renouvelables intermittentes électriques voulons-nous dans le système électrique, comment les intégrer, quel stockage déployer, et quel rôle donner au nucléaire dans un système qui doit rester stable, pilotable et durable ?