L’avenir des tarifs réglementés d’électricité est indissociable du débat sur les vertus du marché
La CFE Énergies défend d’autant plus la pérennité des TRVE que certains acteurs font preuve d’un entêtement idéologique coupable, comme l’Autorité de la Concurrence qui milite pour l’éradication de ces tarifs, jugés incompatibles avec les logiques du marché et de la concurrence, ou encore la Commission de Régulation de l’Énergie qui demande à EDF de travailler à une nouvelle marque afin de fluidifier la concurrence.
Pourtant, de plus en plus de voix s’élèvent en France pour réclamer des prix de l’électricité qui reflètent la réalité des coûts de production. N’en déplaise à tous ceux qui militent pour la main invisible du marché depuis plus de 30 ans, la CFE Énergies constate que le marché s’avère incapable de répondre à cette attente. Bâti pour mimer la concurrence parfaite, le monopole régulé dont l’économie française a bénéficié jusque dans les années 90, a lui fait la preuve de sa capacité à répondre à cet objectif d’intérêt général, alors que les soi-disant bienfaits de la concurrence dans l’électricité restent encore à démontrer.
Dans le même temps, la Commission européenne met en avant son projet de « boussole de compétitivité » et son futur plan d’action « énergie abordable », annoncé pour le 26 février et inspiré des recommandations du rapport Draghi. Plus que jamais, la compétitivité énergétique de l’économie doit être au cœur de l’agenda politique européenne, la perte de compétitivité énergétique représentant un choc systémique pour l’économie du Vieux Continent qui menace d’accélérer le déclin de sa puissance industrielle face à la concurrence américaine, russe et chinoise.
Puisque gouverner c’est prévoir, les dirigeants européens, s’ils sont sincères dans leur volonté d’apporter des réponses durables à l’avenir énergétique de l’Europe, doivent remettre en cause cette logique purement libérale d’un marché de l’énergie trop stratégique pour être gouverné par les seules lois du marché. Ils doivent arrêter de vouloir bâtir au forceps un marché unique de l’électricité qui fait l’impasse sur les fondamentaux physiques et économiques des systèmes électriques, et qui nie la diversité des Etats Membres.
Dans cette perspective, la CFE Énergies appelle les dirigeants européens à se rappeler un des rapports des services de la Commission décrivant l’évolution des prix de l’électricité au sein du G20. Ce rapport démontre que l’effet de la concurrence sur les prix est plus que décevant et que c’est en Europe que les prix de détail sont les plus élevés pour les consommateurs comme pour les entreprises. La flambée des prix qu’a connue l’Europe en 2022 n’a fait que renforcer ce constat plus que défavorable pour l’Europe, sa compétitivité et le niveau de vie de ses citoyens face aux autres pays du G20.
Force est aussi de constater qu’aux États-Unis, ce sont les États ayant opté pour la concurrence intégrale à l’aval qui connaissent des prix plus élevés et en plus forte hausse que les États ayant gardé un marché aval avec des prix régulés, voire un monopole public. Ces derniers sont d’ailleurs ceux qui protègent le mieux leurs citoyens en leur faisant bénéficier de la compétitivité du mix de production propre à chaque État. De quoi voir un lien entre refus de la concurrence à tout prix, compétitivité énergétique, et attractivité économique et industrielle.
Puisque nul autre endroit au monde n’a mis en œuvre une ouverture du marché de l’énergie aussi profonde et uniforme qu’en Europe, et que la comparaison au sein du G20 n’est guère flatteuse pour le choix libéral européen, les dirigeants européens seraient bien avisés de regarder la réalité en face et de s’inspirer du modèle américain ou canadien où chaque État ou Province est libre de définir son degré de dérégulation du marché de l’énergie.
Quant aux dirigeants français, tout à leur ambition de réindustrialisation et de décarbonation de l’industrie, ils ne doivent pas oublier que ce sont le MEDEF et les consommateurs industriels qui ont, dans les années 90, milité pour la primauté du marché, et que c’est la contestabilité des tarifs, imposée au nom de la concurrence, qui expose les consommateurs à la volatilité du marché. Ce tripatouillage éloigne dès lors la construction tarifaire du principe de couverture des coûts dont les Français sont désormais privés.
La CFE Énergies demande par conséquent au Gouvernement, qui ne cesse de revendiquer la possibilité de faire bénéficier les consommateurs français de la compétitivité du mix de production français et d’offrir aux entreprises des prix stables, d’engager un bilan honnête et sans tabou de l’ouverture du marché de l’électricité.
Il ne doit pas fermer la porte à l’idée de porter cette idée de dérégulation subsidiaire laquelle laisse chaque Etat Membre libre de choisir son degré de dérégulation, quitte à revenir au monopole, et qui est fidèle à l’esprit des pères fondateurs de l’Europe, à savoir l’unité dans la diversité. « Rétablir des rapports de force sur la scène européenne » pour défendre la compétitivité électrique française, c’est ce qu’Olivier Lluansi de la Fabrique de l’Industrie a récemment déclaré devant les sénateurs.