Pas de « en même temps » pour la relance du nucléaire
La théorie du « en même temps » comme la précipitation seraient mortifères pour la relance du nucléaire
Malgré une guerre de tranchées qui se poursuit à Bruxelles et à Strasbourg entre défenseurs et opposants acharnés au nucléaire, dans un contexte de réchauffement climatique qui met à mal les modèles les plus pessimistes, la relance du nucléaire est au cœur de l’actualité énergétique française depuis le discours de Belfort de février 2022.
Signe d’un revirement politique aussi récent que salutaire après une période où la fermeture de réacteurs était l’horizon indépassable des décideurs politiques, l’heure est désormais à la prolongation la plus large du parc nucléaire existant et à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Convaincue que l’équation énergétique et climatique du pays impose cette relance du nucléaire, la CFE Énergies ne peut que saluer cette évolution.
Pour autant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Convaincue d’avoir de nouveau un avenir et une dynamique pour se mobiliser, la filière nucléaire annonce le recrutement de plusieurs milliers de personnes dans les années qui viennent, comme la structuration de l’indispensable tissu industriel et de filières de formation pour disposer des compétences nécessaires à ce défi.
Dans le même temps, lors de son audition à l’Assemblée Nationale, le président d’EDF a confirmé sa volonté d’engager une vaste réforme de l’organisation nucléaire d’EDF pour être en mesure de relever le défi et d’avoir la « bonne cadence industrielle », au risque cependant de confondre vitesse et précipitation et donc de tout mélanger.
Si le Gouvernement accélère le tempo de la communication en annonçant que les derniers des six premiers EPR2 seraient implantés sur le site du Bugey, il n’hésite pas, dans le même temps, à procrastiner dans le dossier du financement du nouveau nucléaire. En effet, lors de son audition devant les députés, le Ministre Bruno LE MAIRE a déclaré que « le schéma de régulation et de financement devra être précisé d’ici à la fin 2024 ».
Au regard de la situation financière d’EDF dont l’État, régulateur et actionnaire, porte une lourde responsabilité, la relance du nucléaire n’est en effet possible que si l’État travaille à son financement, le cas échéant en favorisant l’autofinancement par EDF, et ce, dans le respect du cadre européen lui-même en ébullition comme en attestent les débats clivants sur la réforme du marché européen de l’électricité.
Dès lors, la CFE Énergies considère qu’engager à marche forcée au sein d’EDF une vaste réforme organisationnelle, qui plus est en profondeur, avec la désorganisation et les pertes de repères qu’une insuffisance de préparation et la précipitation, ne pourraient qu’induire, et cela, sans avoir sécurisé les modèles économiques et de financement, ce serait mettre la charrue avant les bœufs. Pour la CFE Énergies, la priorité doit être donnée à la mise en œuvre des recommandations du rapport Foltz
relatives au nouveau nucléaire, car essentielle à la réussite du chantier des nouveaux réacteurs. Par ailleurs, ne pas sécuriser les modèles économiques et de financement, c’est faire prendre un risque aux entreprises de la filière qui ont à relever le défi de milliers de recrutements.
La CFE Énergies n’oublie pas que la précipitation à engager les chantiers de Flamanville et d’Hinkley Point, pour de sombres raisons sans lien avec la moindre logique industrielle, s’est révélée mortifère pour EDF et l’industrie nucléaire française. Elle n’oublie pas non plus les dégâts d’un projet Hercule imaginé par des consultants hors sol et imposée à l’entreprise sans tenir compte de la réalité de ses métiers, en vain du fait de l’opposition du corps social à une réforme dangereuse.
Face à ce « en même temps » gouvernemental qui ne donne ni la visibilité ni la sérénité nécessaires à une industrie de souveraineté et du temps long, la CFE Énergies appelle tous ceux qui œuvrent à la relance du nucléaire à ne pas procrastiner ni à confondre vitesse et précipitation pour réunir toutes les conditions du succès.