Bataille du nucléaire, victoire à la Pyrrhus et suicide européen
AVENIR DU NUCLÉAIRE EN EUROPE
La France ne peut se contenter d’une victoire à la Pyrrhus si elle veut éviter un désastre géopolitique, climatique et industriel à l’Europe
Fin mars, la Présidente de la Commission européenne a déclaré qu’à ses yeux, « le nucléaire n’est pas stratégique », pour justifier son exclusion partielle du Net-Zero Industry Act. Pourtant, ce dernier a été pensé comme la réponse européenne à l’Inflation Reduction Act américain qui n’hésite pas, lui, à soutenir l’ensemble de l’industrie nucléaire américaine, et pas uniquement les nouvelles technologies comme le fait malheureusement la Commission.
La CFE Énergies regrette à nouveau que la Commission européenne, pourtant gardienne des traités, soit si prompte à ignorer Euratom, l’un des traités fondateurs de l’Union Européenne (UE), qui consacrait dès le 1er janvier 1958 l’énergie nucléaire comme un des piliers de la construction européenne. A contrario, les dirigeants européens ne jurent que par les énergies vertes qui ne reposent pourtant, elles, sur aucun des traités de l’UE, et restent sourds à l’avertissement du patron de l’AIE qui estime que « le nucléaire peut se révéler une option importante pour l’Europe », au regard de l’objectif de moins dépendre des fournisseurs énergétiques extérieurs tout en décarbonant l’économie
Un tel aveuglement est d’autant plus incompréhensible que le nucléaire est l’une des rares technologies bas carbone sur laquelle l’Europe dispose d’un réel leadership en maîtrisant l’ensemble de son écosystème industriel et technologique, contrairement à nombre d’énergies dites vertes qui dépendent d’importations extra-européennes. Le comble serait que le nucléaire qui se développe demain en Europe, à l’instar du choix polonais, soit américain comme pour les équipements de défense, loin des impératifs d’autonomie stratégique européenne. Au moment où la bascule géopolitique initiée par le conflit russo-ukrainien place l’indépendance et la réindustrialisation au centre de l’agenda politique, la Commission prend le risque d’un contresens qui pourrait virer au désastre industriel et géopolitique.
Pour la CFE Énergies, la Commission ne doit pas oublier que le nucléaire est plus que jamais un outil de souveraineté, ce que ni la Chine ni les États-Unis n’ignorent, mais aussi un puissant outil industriel générant plus d’un million d’emplois qualifiés en Europe. C’est bien évidemment aussi un outil de décarbonation dont l’Europe ne peut se priver si elle veut être crédible dans ses ambitions climatiques au moment où le GIEC tire pour une énième fois la sonnette d’alarme.
Dans ce contexte, la France ne peut pas se contenter de victoires à la Pyrrhus. Après l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie obtenue de haute lutte mais soumise à des conditions drastiques, les dirigeants français ont crié victoire avec l’inclusion de l’hydrogène bas carbone dans les objectifs de développement d’hydrogène propre fixés par la directive sur les énergies renouvelables (EnR). Cette victoire doit toutefois être nuancée puisque le régime dérogatoire accordé à l’hydrogène d’origine nucléaire ne vaut que si l’objectif global de 42,5 % d’EnR fixé par la Commission est atteint par l’État-Membre qui demande cette dérogation.
S’il s’agit là d’une avancée que la CFE Énergies salue, il n’en demeure pas moins que la croisade anti-nucléaire menée au grand jour par le Vice-Président de la Commission, Frans Timmermans, comme le démontre le dogmatisme des débats sur la banque européenne de l’hydrogène, incite à la plus grande prudence. Loin de respecter la neutralité technologique bas carbone, cette croisade met à mal le fondement même du Green Deal et de son objectif de neutralité carbone en 2050. Et là où l’IRA américain accorde des subventions, la Commission fixe des normes qui sont tout sauf neutres pour les États-Membres.
Pour la CFE Énergies, le combat climatique impose plus que jamais de ne se priver d’aucun des outils de décarbonation, contrairement à l’approche exclusivement verte des Allemands. Force est d’ailleurs de constater que celle-ci est loin d’être exemplaire pour le climat au regard de la trajectoire catastrophique des émissions de gaz à effet de serre que beaucoup dénoncent Outre-Rhin.
Les dirigeants allemands, tout à la défense de leurs intérêts industriels, n’hésitent pas à imposer leurs vues à l’ensemble de l’Europe, parfois au mépris même des institutions européennes comme leur volte-face coupable sur l’interdiction des voitures thermiques vient de le démontrer. Dans ce contexte, la CFE Énergies appelle le gouvernement français à défendre les intérêts énergétiques de la Nation avec la même vigueur, à ne pas se contenter de victoires en demi-teinte et à défendre la reconnaissance pleine et entière, et durable, de la place du nucléaire dans l’avenir de l’Europe.