ENGIE : des résultats 2022 exceptionnels mais … – Lettre n° 18
Des résultats exceptionnels et perspectives encourageantes, mais des incertitudes demeurent
Le Groupe ENGIE a communiqué le 21 février dernier sur les résultats annuels 2022 et ses prévisions sur la période 2023-2025.
Résultats 2022
L’arrêté des comptes 2022 montre un très bon résultat net récurrent de 5,2 milliards d’euros (Mds€), en phase avec le consensus de marché et avec la guidance du Groupe, laquelle avait déjà été réévaluée en cours d’exercice. […]
Malgré cet important résultat récurrent, le résultat net global – part du Groupe est seulement très légèrement positif (à 0,2 Mds€), en raison de l’importance d’éléments négatifs non récurrents : valorisation « Mark to Market » des positions de couverture (négative en raison de la baisse des prix de l’énergie au dernier trimestre), réévaluation des provisions pour l’aval du cycle du combustible, dépréciation d’actifs (et en particulier du prêt pour le financement de Nordstream 2).
Le Groupe confirme sa politique de distribution de dividendes en proposant le versement de 1,4 € par action, soit 65 % du résultat net récurrent.
Position de la CFE-CGC : ENGIE a continué à délivrer sa stratégie, notamment au niveau des énergies renouvelables dont les investissements portent leurs fruits, et a en outre réussi, par son activité de gestion de portefeuille, à transformer en valeur la volatilité extrême du marché de l’énergie, tout en tirant toutes les conséquences de l’interruption de livraison du gaz russe. Les stockages totalement remplis à l’automne ont permis d’assurer une gestion sereine de l’hiver 22/23. Néanmoins, la capacité à passer sans encombre l’hiver 23/24 dépendra tout à la fois du climat et de la possible reprise des économies asiatiques, grandes consommatrices de GNL. Sur le plan financier, l’écart toujours important entre le résultat net récurrent et le résultat net global demeure une source de questionnement, qui explique sans doute en partie la sous-valorisation des actifs du Groupe par le marché.
Perspectives à moyen terme
Pour l’exercice 2023, le bénéfice devrait se situer en deçà des chiffres annoncés pour 2022, en raison de la pleine application des taxes nationales sur la rente infra-marginale du gaz. La croissance des résultats doit en revanche reprendre et se confirmer les années suivantes.
ENGIE accentue ses ambitions stratégiques en accroissant sensiblement ses dépenses d’investissements sur la période 2022-25 : 29 Mds€ de CAPEX de développement et 10 Mds€ de CAPEX de maintenance en cumulé. Le cash-flow issu des opérations doit permettre de financer cette enveloppe de près de 40 Mds€ sur 4 ans.
Cependant, le Groupe devra aussi financer la distribution des dividendes, qui sera en partie couverte par les reliquats du programme de cessions d’actifs prévues par la stratégie. Mais le recours à la dette sera toutefois nécessaire pour boucler le financement, d’autant plus que le Groupe aura à constituer des fonds dédiés pour couvrir les provisions nucléaires constituées, et dont le montant vient d’être réévalué significativement (ENGIE conteste 2 des 2,9 Mds€ d’accroissement qui viennent d’être présentés par les autorités belges compétentes). Au total, la dette nette financière devrait s’accroître de 15 Mds€ sur la période.
Position de la CFE-CGC : l’équation cash du Groupe n’est pas équilibrée sur la période 2022-2025 et nécessitera un accroissement de l’endettement financier net. Certes, l’espérance d’EBITDA généré par l’application de la stratégie devrait permettre de garantir le niveau des ratios de solvabilité et donc de ne pas dégrader la note du Groupe. Mais l’on voit que le financement des provisions nucléaires pèse sensiblement sur son équilibre financier global, et le chemin de la réussite sera donc étroit, dans un monde géopolitique à incertitude maximale. Outre la volatilité et l’éventuelle rareté des marchés de l’énergie, se pose la question de la crise de l’approvisionnement de certains matériaux, à un moment où le Groupe se développe considérablement dans le domaine des énergies renouvelables. Il faudra rester vigilant sur la performance exigée des salariés, afin que celle-ci ne devienne pas le terme de bouclage de l’équation cash du Groupe. L’adhésion du corps social au chemin stratégique envisagé est en effet une condition sine qua non de réussite. Le management demande à juste titre à chacun de renforcer la culture de sécurité. À cet effort incontournable s’ajoutent des exigences de performance qui doivent demeurer raisonnables, tandis que les parcours professionnels doivent gagner en attractivité et en visibilité.
Gaz et nucléaire : 2 enjeux immédiats
ENGIE doit valoriser ses actifs et son savoir-faire gaziers auprès de toutes les parties prenantes. Les infrastructures gazières, contributrices nettes aux financements ambitieux du Groupe, sont soumises à un triple enjeu :
- le développement des gaz verts, produits souverainement sur le territoire français mais aussi en Europe, clé indispensable de la pérennité des réseaux ;
- l’existence de réglementations compatibles avec la confirmation d’un mix énergétique équilibré (programmation pluriannuelle de l’énergie, possible concertation sur la chaudière gaz, réglementation thermique) ;
- la confirmation d’un modèle économique attractif : évolution des tarifs sous une forte inflation et avec une baisse des consommations et des clients, qui soit supportable par la collectivité.
Position de la CFE-CGC : le gaz ne doit pas être considéré comme un simple héritage du passé, il constitue l’une des réponses adaptées à un avenir énergétique équilibré et souverain. Il est un outil utile tout à la fois au développement économique des territoires, au maintien d’un service public de fourniture d’une énergie de qualité, et à la valorisation industrielle et financière du Groupe qui porte l’activité d’infrastructure et de fourniture historique.
ENGIE doit aussi faire face à la question du devenir du nucléaire en Belgique. Les autorités publiques belges demandent au Groupe la prolongation de 10 années de l’exploitation des réacteurs de Doel 4 et Tihange 3. ENGIE souhaite de son côté définir un avenir serein et cohérent pour l’évaluation de ses obligations liées au démantèlement des centrales et à l’aval du cycle du combustible, tout en garantissant la maîtrise des actifs industriels portés par sa filiale Electrabel.
Position de la CFE-CGC : les conditions d’un accord équilibré avec les autorités belges ont été acquises par le management, dans un contexte très difficile de négociation entre un État et une entreprise. Il reste encore du chemin pour concrétiser, dans les semaines à venir, un équilibre qui ne soit pas modifiable par le fait du prince. La CFE-CGC salue le travail mené par les équipes dans ce dossier épineux.
Conclusion : de réels atouts dans un chemin semé d’embûches
Le Groupe est engagé dans un développement qui devra faire face à de nombreux défis : l’accentuation de la stratégie du groupe dans un environnement très concurrentiel, une équation cash aux marges étroites, la place du gaz à conforter dans l’économie de demain, mais aussi une solution adaptée pour le nucléaire en Belgique. ENGIE a la redoutable tâche de définir un avenir industriel et humain dans un monde géopolitique des plus incertains. Les salariés auront la partition la plus délicate à jouer, les gestes de reconnaissance et de fidélisation à leur égard devront être à la hauteur des enjeux imposés.
Rendez-vous au prochain numéro pour un point sur l’actualité du groupe, l’avenir du gaz et les enjeux associés, et notamment un focus sur le groupe de travail de la CRE concernant les infrastructures.
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