Les fédérations syndicales représentatives de l’énergie sont plus que jamais mobilisées pour défendre EDF contre le retour d’Hercule
À la veille d’un passage de l’hiver qui s’annonce des plus tendus dans un contexte de profonde crise de l’énergie qui accroît la précarité énergétique et alimente le spectre d’une débâcle industrielle, le Gouvernement ne trouve rien de mieux à faire que d’employer son énergie à chercher à supprimer le régime spécial de retraite des industries électriques et gazières.
Face à une attitude qui questionne au regard de la sécurité énergétique pour les citoyens, les collectivités et les entreprises du pays, et après le scandale des 20 TWh supplémentaires d’AReNH qui démontre le peu de cas que le Gouvernement fait de l’avenir d’EDF et de ses missions de service public, l’Interfédérale composée des fédérations syndicales représentatives (FNME-CGT, CFE-CGC Énergies, FCE-CFDT et FO Énergie et Mines) est très inquiète des dernières révélations quant au retour du projet herculéen de démantèlement d’EDF.
Le rapport spécial de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale sur les participations de l’État semble en effet laisser apparaître que le rachat des actionnaires minoritaires d’EDF engagé par l’État actionnaire aurait pour objectif d’avoir les mains libres pour demain réformer EDF. Il s’agirait bien de réorganiser l’entreprise dans le cadre des discussions avec la Commission européenne et in fine la démanteler, puisque c’est le rêve depuis longtemps des édiles bruxellois. Bref, de faire revenir par la fenêtre le « petit frère » du projet Hercule que l’interfédérale avait réussi, avec l’ensemble des groupes parlementaires d’opposition et grâce à la mobilisation des salariés, à contrecarrer en 2021.
L’exécutif a beau chercher à démentir en déclarant que « le projet Hercule n’est plus à l’ordre du jour… et que cela n’aurait aucun sens de monter à 100 % du capital d’une entreprise comme EDF pour la démanteler », l’Interfédérale émet de sérieux doutes sur la réalité des intentions du Gouvernement.
L’insistance de l’exécutif depuis 2019 à vouloir imposer Hercule au forceps, malgré l’absence de visibilité sur les négociations en cours avec la Commission européenne sur des questions pourtant cruciales, que ce soit la régulation du nucléaire ou encore l’avenir des concessions hydrauliques, avait réduit à néant la confiance de l’Interfédérale comme celle des parlementaires.
Malgré les annonces, la main sur le cœur, de Bercy, qui déclaraient qu’Hercule avait pour but de faciliter le développement d’EDF, l’Interfédérale avait très vite compris que la création de l’entité EDF « Vert » la plus large possible avec l’intégration de l’activité régulée d’ENEDIS, en dehors de toute logique industrielle, n’avait pour seul but que de permettre à l’État actionnaire de faire payer à EDF une partie du coût de la renationalisation de l’électricien national. Le rapporteur spécial ne dit pas autre chose quand il indique que « en cas d’incapacité à procéder à la filialisation des activités liées à la transition énergétique et à leur monétisation partielle, l’État ne pourrait pas recouvrer le capital immobilisé dans le rachat des minoritaires ».
La vigilance de l’Interfédérale est d’autant plus de mise que le nouveau directeur général de l’Agence des Participations de l’État, ancien conseiller économie à la Présidence de la République et donc parrain d’Hercule, a déclaré fin octobre que « la nouvelle forme que prendra EDF dépendra des discussions européennes sur la réforme du marché de l’électricité ». Rien n’interdit ainsi de penser qu’Hercule pourrait revenir comme le résultat des discussions avec la Commission européenne, puisque c’était exactement le même raisonnement que le Gouvernement avait tenu entre 2019 et 2021 pour défendre un projet herculéen répondant aux canons des banques d’affaires.
L’Interfédérale est au contraire convaincue que la crise énergétique doit remettre les questions de sécurité et de souveraineté énergétiques au centre de l’agenda politique. Le « suicide climatique » dénoncé par le secrétaire général de l’ONU lors de la COP 27 impose de faire de l’électrification bas-carbone la priorité de toute politique publique.
En ce sens, le caractère intégré de l’électricien national est plus que jamais un atout pour les citoyens, les collectivités locales, les entreprises et les industries du pays, bien plus qu’un plan de relance qui n’aura été qu’un feu de paille au regard de la débâcle industrielle qui s’annonce avec la crise des prix de l’énergie. Avec les crises multiples – qu’elles soient sanitaires, énergétiques ou climatiques – qui changent les priorités, l’heure n’est clairement plus à désoptimiser EDF au nom de la sacro-sainte concurrence. Lors de leur dernier congrès, les maires de France, réceptacles des déboires engendrés par l’augmentation des prix de l’énergie, ont d’ailleurs clairement évoqué le retour à un véritable service public comme solution immédiate à une crise durable.
Pour toutes ces raisons, l’Interfédérale est particulièrement attentive aux intentions, réelles ou cachées, aujourd’hui et demain, du Gouvernement sur l’avenir d’EDF, et n’hésitera pas à se mobiliser, comme elle l’a fait depuis 2019, pour éviter une réforme d’EDF qui mettrait à mal, de près ou de loin, le caractère intégré du groupe et l’exercice de ses missions de service public qui sont indispensables pour faire face aux effets des crises successives. Car face à la crise, l’action ne peut se résumer à déverser des milliards d’euros, in fine financés par les contribuables, et à se faire à l’idée d’un rationnement énergétique, voire de coupures pesant sur les citoyens, sans s’attaquer aux racines de la crise, tout en laissant les dividendes ruisseler chez les énergéticiens dits alternatifs.
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