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Quelles orientations pour la nouvelle présidence de la CRE ?

À la CRE, nouvelle présidence doit rimer avec courage, indépendance et résilience

Malgré l’opposition d’une majorité des parlementaires, le Président de la République vient de nommer Emmanuelle Wargon, ancienne ministre, à la présidence de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), succédant ainsi à Jean-François Carenco promu à son tour à un destin ministériel.

Dans un contexte marqué par la flambée des prix, les risques de pénurie, une guerre de l’énergie et l’aggravation des phénomènes liés au réchauffement climatique, la CFE Énergies souligne l’importance du rôle de la CRE et partage la nécessité de son indépendance. Mais cette indépendance ne doit pas être limitée à l’édiction de règles pour faciliter la concurrence comme fin en soi, en ignorant les objectifs de l’action publique. Cette indépendance, c’est le courage de développer une pensée propre et une action qui ne sont pas le reflet discipliné de ce que veulent la Commission européenne ou l’ACER1.

En défendant la mesure gouvernementale d’augmentation de 20 TWh du volume d’AReNH et en prônant une augmentation de ces volumes pour 2023, exactement comme Mme Pannier-Runacher l’a évoqué au Sénat fin juillet, l’ancien président de la CRE n’a fait preuve d’aucune capacité d’émancipation vis-à-vis du dogme de la concurrence à tout prix, et Mme Wargon ne doit en aucun cas suivre son exemple. En revanche, en remettant en cause la période de référence qui avait conduit la CRE à proposer une hausse des tarifs de 44 % et à créer les conditions d’une hausse de 20 TWh d’AReNH, elle engagerait la CRE sur la voie de l’indépendance, du courage et de la conversion au pragmatisme, comme elle a su le faire en assumant aujourd’hui la nécessité du nucléaire.

Pour la CFE Énergies, la CRE devra surtout faire preuve d’indépendance et de propositions courageuses de réforme auprès de ses interlocuteurs européens. Ce n’est pas parce que les édiles bruxellois promeuvent la tarification dynamique, la fin des tarifs réglementés et la contestabilité de ces tarifs, et plus largement la concurrence à l’aval (qui dans les faits n’a aucune valeur ajoutée), que la CRE doit suivre aveuglément le mouvement. Ce n’est pas parce que l’ACER considère que le marché est la meilleure réponse à tous les enjeux que porte le secteur électrique pour en refuser toute réforme malgré la crise, oubliant un peu vite l’impératif de sécurité d’approvisionnement, que la CRE doit lui emboîter le pas.

Au contraire, la CFE Énergies considère que la crise profonde et structurelle que l’Europe de l’énergie connaît aujourd’hui est l’occasion de réformer en profondeur le marché européen. Face à une volatilité du marché qui augmentera avec le développement des énergies renouvelables intermittentes et à une exposition croissante aux risques des prix des matières premières importées, seule la mise en place de contrats de long terme tels que les contrats pour différence assurera la programmation long terme des investissements, clefs de la résilience énergétique et donc de la sécurité des approvisionnements. Nul doute que le modèle d’acheteur central déployé au Canada dans l’Ontario devrait inspirer les réflexions de la CRE.

Dès lors, s’il lui « paraît sain qu’il y ait une concurrence qui s’exerce », Emmanuelle Wargon serait bien inspirée de suivre les débats outre-Manche qui remisent la religion de la concurrence et l’obsession du taux de churn au placard. Certains y défendent désormais la mise en place d’un acteur centralisé en charge du secteur énergétique et le retour de tarifs réglementés pour la majorité des consommateurs. Ils critiquent ouvertement l’incapacité de l’OFGEM à prévenir la pire crise énergétique des dernières décennies et à protéger les consommateurs. À trop privilégier le marché et la concurrence, le régulateur britannique est aujourd’hui accusé d’avoir failli dans ses missions d’intérêt général. Puisqu’en matière d’ouverture des marchés, l’impulsion est souvent venue de Grande-Bretagne, la nouvelle présidente de la CRE doit pouvoir y puiser de l’inspiration.

Au-delà de cette indispensable indépendance d’action et d’esprit, la CRE devra également être au cœur des enjeux de résilience du secteur énergétique. Les risques de pénurie d’électricité et de gaz qui pèseront, partout en Europe, sur les sociétés et les économies obligent la CRE à faire de la sécurité des approvisionnements énergétiques sa priorité, loin des essais maladroits de justification de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Et face aux conséquences de la sécheresse historique qui sévit en Europe, tant sur l’hydraulicité ou la navigabilité des fleuves pour n’en citer que quelques-unes, la CRE devra tout autant faire de la résilience climatique du secteur énergétique le cœur de son action.

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1 ACER : Agence de Coopération des Régulateurs de l’Énergie

2 churn : changement de fournisseur

3 OFGEM : Office of Gaz and Electricity Markets ou le régulateur britannique de l’énergie